jeudi 6 avril 2017

CUBA II - URBAIN OU RURAL

Nos paupières s’ouvrent à peine. Un rapide tour des lieux et nos yeux s’attardent sur la «fenêtre» aux volets intérieurs. Ils laissent entre apercevoir le balcon d’en face. C’est sûr, nous sommes bien à La Havane.
En arrivant ici tard dans la soirée, notre premier contact ce fut Jean Claude, sorti à peine de son sommeil. Rapide débrief… voyage compliqué pour le groupe, retard, malaise de JP et pas de dîner prévu. Tout le monde se repose… il fera jour demain.
En effet, à peine le jour levé nos doux dingues de la profondeur du champ caracolent sur le trottoir, armés de leurs appareils. Et que je t’encartmémoire les vieilles américaines, d’un côté comme de l’autre, ici une rouge et là la bleue et la belle verte. Bref, le ton est donné : lever aux aurores, coucher à l’aube !
Après un petit déjeuner plus que roboratif (qui fait un peu oublier les tourments vécus par nos compagnons, la veille), La Havane n’a qu’à bien se tenir. Oui, oui, ils sont au taquet, nos photographes.
Je vous parle du mien ? 10 kilos sur le dos, pas d’eau (il faut en trouver… absolument), pantalon long mais léger, casquette vissée sur les frisettes coupées rases pour la circonstance.  Il est sans concession, tous les objectifs et tous les boitiers l’accompagnent en promenade. On ne sait jamais… Et ça va crépiter, parole de paparazzo.
Avant que le groupe ne déambule, saisissant ici et là une scène, une rue, un visage, et j’ajouterais avec l’air parfois d’une poule découvrant un couteau, il a fallu troquer l’euro contre le CUC national.






Devant la Place des Armes

Le tatouage, très présent
















Ceci fait, nous voilà partis où la curiosité et l’étonnement nous poussent. Ici, tous vos sens doivent rester en éveil pour assimiler les multiples informations qui se télescopent. Le saut dans le passé est réel avec des installations électriques d’un autre âge, des magasins d’Etat nombreux, des machines offset dans les imprimeries, les costumes années 40 des hommes, des marchands ambulants de fruits et de légumes, des gamins en uniforme beige, bleu marine ou aubergine et qui s’en vont à l’école par petits groupes, des salons de coiffure vintages, une monnaie dédiée au cubain (le pesos) qui signe de fait ce que peut être l’économie[1] du pays … Mais la jeunesse se rassemble de plus en plus nombreuse sur les places, là où la connexion Internet fonctionne, l’homosexualité n’est pas un tabou et s’affiche librement et la musique est omniprésente.
Il me vient à l’esprit cette petite comptine : 3 pas en avant, 3 pas en arrière… La Havane c’est un peu cela. 
Si la ville ne se visite bien qu’à pied, nous y ferons exception le premier jour : Petit tour en bus à impériale (version décapotable) pour prendre de la hauteur. Ils veulent se la jouer façon travelling, nos photographes... Enfin, si les arbres et les quelques gouttes de pluie leur fichent la paix. Coup d’œil sur la place de la révolution où se découpe – magistral – le visage du Che qui répond à une autre grande figure de l’histoire Camilo Cienfuegos. En trois jours, le vieil Havane aura livré quelques uns de ses secrets avec sa jolie place des Armes et son Palais des généraux, un Castillo des trois rois qui vous offre une vue presque newyorkaise de la nouvelle ville, un café de Paris qui nous refusera la terrasse, des échassiers dansant au rythme de la Samba, une peinture géante en trompe l’œil, des chats dans les jardins des anciens «palais». Nous écumerons le centre ville avec son Capitolio qui flirte avec des rues et des ruelles où les édifices tiennent à peine debout mais qui grouillent de vie, la fabrique de tabac, passerons rapidement par le quartier chinois. Nous croiserons le chemin de personnages improbables investis par la danse dans un blanc immaculé, visiterons des hôtels à nul autre pareils, grimperons des escaliers de marbre, irons jusqu’à Casablanca… Découvertes et kilomètres se sont enchaînés, en bateau, en taxi, en vélo taxi ou à pied. Et nous nous sommes souvent attardés devant une prouesse architecturale, au Floridita pour y siroter la fameuse Pinacolada qui trouve son origine dans ce bar, voire même devant le sujet d’une éventuelle future exposition...




Impressionnant comme La Havane est tout et son contraire ; c’est sans doute là que réside son charme.
Mais il est temps de rassembler nos affaires, demain nous partons pour la campagne.
La vallée de Vinãles nous attend, toute bucolique, en Mogotes et en belles surprises.
Le transfert - qui se fait par « taxi » - va nous livrer une nouvelle facette de Cuba : une économie souterraine qui permet à certains de vivre un peu mieux.
Il est fort probable que nos «attelages» aient été récupérés dans une casse étrangère : suspensions fatiguées, vitres de portières indomptables, pare-brise fendu, reprises difficiles et cette essence "de contrebande" que nous irons chercher dans un champ à l'abri de tout regard. 
On sent d’ailleurs nos conducteurs pressés d’arriver et prompts à se fondre dans le paysage si nécessaire.
Un jus de fruits frais nous attend au sortir de nos carrosses. Un réel plaisir après ces nouvelles émotions, auquel la maîtresse de maison ajoutera la promesse de langoustes fraiches au repas du soir et pour qui est intéressé.


Quand on arrive en ville (comme l’écrivait Plamandon), nos toqués de la photo s'autorisent – presque timidement - une incursion dans un cours de danse. Ils surprendront des couturières derrière leurs machines à coudre et fixeront le graphisme des chaises à bascule sur les terrasses.











joli sourire, mais les chaises manquent de bascule


Les urubus sont nombreux ici, les vendeurs d’aulx, d’oignons,  de fruits et de légumes aussi car la terre est généreuse. La vallée est classée au patrimoine mondial de l’humanité et elle vous accueille avec force fleurs : hibiscus, orchidées, palmiers et pins de toute sorte. Pleins feux sur la ruralité avec l’âne et le bœuf, le cheval aussi.











Pour être complet, ce compte rendu ne peut faire l’impasse sur Gustavio. Le lien de parenté avec la famille qui nous reçoit est resté quelque peu obscur (fils ou beau-fils). Toujours est-il que par sa présence, il enchantait notre soirée. Musicien à la voix de velours, ce jeune éphèbe au torse nu… et au charme indéniable, du haut de sa belle stature maîtrise parfaitement son instrument (la guitare).
On le croirait tout droit sorti d’une pub coca cola ! Vous voyez le genre, les filles. 
Ha ! La beaugossitude. À lui seul, c’est toute la diaspora chantante réunie. Une soirée diablement agréable, accompagné qu’il était et bien involontairement, par sa toute petite fille pour des chorégraphies au déhanché de couche incroyable.
♫ Guantanamera, ma ville, Guantanamera... Il est né là-bas.

On se recentre, il faut retrouver Luc qui a disparu au moment de la balade du lendemain. C’est le distrait du groupe.
Il ne verra pas les champs de café et de tabac et le processus développé pour la récolte et le séchage des feuilles qui mène à la réalisation du Havane, si cher à dieu d'après Gainsbourg.









Il n’assistera pas non plus au salto arrière/triple boucle piquée de notre ex nageur de combat, effectué à la seule vue des trois petits cochons…
Petite chute sans gravité à la réception qui lui ôtera quelques points sur la note finale mais qui a su déclencher bien des émois.
Ah ! mon pauv’ monsieur, on ne peut pas être et avoir été.





Et tandis que nous côtoyons les Mogotes qui donnent au paysage son caractère d’un autre temps, que nous nous attardons dans une rhumerie, que nous surprenons quelques colibris, que nous musardons sur un petit chemin qui ne sent rien du tout, Luc – lui - est en compagnie de Jean Michel. Ces deux là grignotent pour leur gouter, une pizza en sirotant une « cerveza » au village.



Bref, la pause s’impose avant d’accueillir le soleil pour un coucher magique dans un décor royal.
Ah ! J’y pense : il n’est plus question de se lever aux aurores, les «bobos» des uns et des autres sont arrivés à bout de cette résolution.









Et puis demain, c’est direction CIENFUEGOS… en taxi.
Alors, buenas noches, non sans avoir jeté un coup d’œil attentif à cette belle moisson de clichés.




[1] Le salaire moyen à Cuba avoisine les 18 CUC et n’est payé qu’en Pesos

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