On dit de ces lieux que c'est le temps qui les façonne. Il fait son œuvre. Insidieusement.
Oui, la nature veille et nous convainc que rien ne meurt. De ces morceaux de
vie, de ces endroits âpres et abandonnés émane toujours une beauté obsédante,
intrigante, habitée et enchantée.
Jacques que rien n’arrête, aime à arpenter ces friches avec l’un
de ses amis... (l’URBEX impose de ne jamais partir seul). Ils observent,
cherchent, trouvent l’insolite et photographient pour ne pas oublier qu’en ces
lieux, des voix, des hommes ont vibré, des joies, des pleurs, des secrets, des
histoires ont existé.
Les photographes sont comme les marins, ils apprennent la patience
et la prudence. Ils sont silencieux aussi. Et on comprend ici tout le sens de
ce silence.
Vous ne saurez jamais où ces clichés ont été pris. Ces endroits
appartiennent à la nature. N’ayez aucun regret et restez en
« lisière » - là - juste pour regarder.
Je suis comme vous. Je fais ça, je regarde et j’aime ça regarder.
Je vois un rayon de soleil si plein, si généreux qu’il inonde le
bâti en ruine. Non, il illumine un PALAIS. Car c’est d’une richesse infinie,
même noyé dans ce calme étrange ! J’y vois comme un diadème posé là sur
cette voute. On y perçoit à peine l’absence, tellement c’est baigné des
souvenirs du passé. Il s’y mêle un présent sans complexe mais qui ne vient en
rien entacher la beauté du lieu. L’abandon y est net mais sublimé par des
graffs exceptionnellement chatoyants, intelligents. C'est un lieu prétexte à la
culture, comme un passage obligé vers le futur.
Demain ce « quelque part » accueillera peut être une
scène, un théâtre, des migrants, une école, un jardin arboré, une tour de 38
étages, un parc… tout est possible.
Mais aujourd’hui, l’emplacement appartient à ces artistes de
l'éphémère et à la seule nature et c’est elle qui le modèle selon ses humeurs,
qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige ou comme ici qu'il s'ensoleille. Quel bel écrin pour ces oeuvres incroyables.
Elle a tout son temps, la nature. C’est pourquoi elle accepte d’y accueillir
parfois quelques curieux si tant est qu’ils respectent son équilibre, son
intemporalité et tous les secrets qui le hantent.
Et puis, il y a Paris et la grande roue, celle des forains !
Celle qui ne se retrouvera plus en place de la Concorde et que Jacques a voulu
saluer une dernière fois.
Les bien pensants ont décidé en effet de "lisser le
paysage". Quelle affligeante banalité nous guette… dès demain Paris
ressemblera à toutes ces grandes mégalopoles où seul le très « chic »
a droit de cité.
Paris va-t-il devenir un sanctuaire ? Une ville musée
sillonnée par les grands bus des tours opérators ? Une ville peuplée des
fantômes du passé et par une faune qui maitrise à fond la bourse et manie le
virtuel et les bitcoins plutôt que le bon sens ?
Terminé le populaire, il faut du strass et des paillettes, du
parfaitement chorégraphié, du calibré, de l’uniforme, de l’aseptisé et tant pis
si vous aimez les petites aspérités, la différence ou la diversité[1], il vous
faudra ici et dès demain passer votre chemin.
Jacques a signé quelques beaux portraits de la belle. Mais là
aussi, il ne se contente pas de photographier, il témoigne, il explore, il
donne à voir, il mémorise pour ne pas oublier.
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