RHODA SCOTT LADY QUARTET |
Voilà tout est dit. On pense à la fois à Louis ARAGON et à Jean FERRAT qui chante cette maxime « La femme est l’avenir de l’homme ». Néanmoins… depuis quelques jours, les femmes travailleraient « gratuitement » ? Des études sérieuses l’attestent, les inégalités (salariales ici) entre hommes et femmes perdurent en France comme dans bien des pays.
Pourtant, elles sont là nos combattantes, bien présentes, pour cette seconde soirée Jazz. Dans le Hall d’entrée, Jackie Montana et les membres de son association « Paroles de femmes Aude », évoquent les batailles qu’il faut encore mener contre la violence infligée par certains esprits peu enclins à comprendre que les droits de chacun sont identiques, que l’on naisse fille ou garçon.
Peu à peu les inégalités se gomment et ce soir, des femmes vont nous prouver – s’il le fallait encore - qu’elles sont légitimes partout et notamment sur la scène musicale.
Vous avez vos billets, alors embarquons de suite pour la planète jazz à Conilhac. Là, vous allez tutoyer des sommets : Deux groupes annoncés, deux groupes lumineux pour ne pas dire époustouflants, voire impressionnants de talent. Les absents pourraient dire que j’en fais trop. Et bien, ils auraient tort, plus de 350 personnes sont présentes à ce concert et pourront en attester.
Mais voilà déjà qu’entre en scène le NAÏMA QUARTET, une fille et trois garçons, intimes du Festival. Ils étaient présents à l’occasion de la sortie de leur premier opus. Le second sortait en mars 2021 après deux singles dont nous allons apprécier la presque totalité.
Je m’autorise à vous les présenter… ils sont si talentueux :
- Naïma GIROU, vocaliste et contrebassiste. Une voix suave à souhait.
- Jules LE RISBÉ, piano, qui rentre des Etats Unis.
- John OWENS, guitare, qui parfois semble vouloir voler plus haut
- Thomas DOMÉNÉ, batterie – aussi inventif que ses amis.
Ils puisent leur inspiration entre tradition et modernité et nous en ferons une jolie démonstration.
Avant de poursuivre, avouons-le de suite : Oui, j’ai repris l’un de leurs titres pour ce billet ! « Je suis la femme, on me connaît… », un poème de Jules Laforgue chanté voilà plus de 100 ans par Yvette Guilbert que Naïma a fusionné audacieusement et astucieusement avec sa musique de prédilection. C’était osé mais quelle belle découverte, quel cadeau magnifique, à la fois sublime dans l’interprétation proposée et dans la nécessité de faire perdurer ce patrimoine.
Et de l’émotion nous en aurons tout au long de ce parcours musical qui va d’Abbey Lincoln à Miroir - morceau écrit par Naïma pour sa grand-mère qui était danseuse et constatait les dégradations de son corps - ou Doll factory où cette dernière empoignera sa guitare pour des mélopées qui restent en tête un long moment – tels les mantras. Quant aux garçons, ils entrecoupent ce morceau de solos, situés entre la musique d’Erik Satie et celle des plus grands rockeurs. Un artiste peintre évoquerait à la fois le figuratif et l’abstrait mêlés. C’est dire qu’on ne s’ennuie pas à leur écoute. Ça transpire la joie et l’entente parfaite, ils s’interpellent, se répondent avec une aisance admirable.
Le public ne retient pas ses applaudissements lorsque Jules, John ou Thomas digressent et s’échappent dans leur monde pour nous proposer ces parenthèses mélodiques uniques. Ces quatre là ont une belle carrière devant eux. Reste à espérer qu’ils reviennent à Conilhac pour d’autres albums.
Mais déjà c’est l’entracte. Il faut bien un peu de temps et de dextérité pour installer l’orgue Hammond, instrument chéri depuis toujours par Rhoda SCOTT (84 ans), organiste fabuleuse connue de tous. Nous l’attendons avec impatience à Conilhac. Elle est en pleine forme, heureuse de présenter ce quartet exclusivement féminin, le LADY QUARTET. D’ailleurs, en souriant elle expliquera que la formation valsait à Vienne déjà en 2004, date de sa création mais à l’époque, elles étaient 8.
La voilà qui entre en scène, veste à paillette et pieds nus, les yeux pétillants. Tandis qu’elle s’installe, Julie SAURY prend place derrière sa batterie de même que Sophie ALOUR (sax ténor) et Lisa CAT-BERRO (sax alto) chacune devant leur micro.
De G à D Lisa, Sophie, Julie et Rhoda |
LISA CAT-BERRO |
Les lumières s’éteignent, le public peu à peu cesse les applaudissements, c’est maintenant la musique qui a tous les droits. Ça va swinger, ça va groover au travers de compositions personnelles et de standards aux rythmes entraînants.
Le concert s’ouvre avec une composition de Lisa CAT-BERRO. C’est aussi le titre de leur dernier album « We free Queens ». Tout de suite l’envie de danser s’installe, têtes et jambes suivent la rythmique.
Le quartet enchaîne avec une valse composée par Rodha Scott (Valse à Charlotte). C’est un morceau plein de joie comme l’est la musicienne dont l’humour fait mouche entre chaque morceau. Ainsi et sans se départir de son irrésistible sourire, insiste-t-elle sur le fait qu’il s’agit bien d’un Quartet 100% français : Sophie étant née à Quimper, Julie à Paris, Lisa à Orléans et elle … en France bien sûr, mais dans une autre vie !
Le public s’enthousiasme pour cette valse tourbillonnante où les saxos s’expriment en alternance. Et lorsque la batterie s’en mêle joyeusement, c’est l’euphorie.
Que reste-t-il de nos amours (de Charles Trenet, l’enfant du pays) va calmer le jeu, on se laisse bercer par ces accords connus.
Chaque musicienne a été sollicitée pour la réalisation de cet album. Sophie ALOUR, primée par l’académie du jazz récemment, comme le souligne avec fierté Rhoda, a proposé I Wanna Move. C’est une composition construite autour de grandes envolées rythmiques, chaque instrument s’y exprime séparément mais lorsque tous les instruments se déchainent, l’énergie est totale et c’est à couper le souffle.
Et depuis toujours, ce même bonheur de jouer... |
Julie SAURY dans un solo de batterie fracassant |
Une espiègle cette Julie qui nous délivre de superbes solos de batterie durant tout ce concert. Pour autant, le dernier est sans aucun doute d’anthologie.
Le temps passe trop vite avec ce quartet si sympathique. On sent plus que de l’amitié dans leurs gestes et dans leurs yeux, de l’affection peut être, oui c’est cela de l’affection.
C’est le titre de Ray Charles (What I’d Say) qui clôturera ce concert. Quel immense plaisir ce fut.
A l’initiative de Julie nos serons mis à contribution sur ce morceau, avec des ah et des oh à envoyer juste derrière les siens… Ceux-ci ne vont pas satisfaire entièrement Rhoda Scott : « 35 festivals dites-vous, mais c’est plutôt mou ! ». Alors reprenons en chœur et en puissance, il faut la convaincre.
Je crois que nous avons réussi, elle a été touchée par l’accueil réservé à sa formation. « Nous reviendrons » dira-t-elle en aparté. Pouvons-nous lui répondre « avec plaisir » Monsieur le Président ?
C’était grave bien, diraient mes petits enfants.
Nous dirions plutôt que c’était un vrai bonheur ce voyage entre la mélancolie et l’hypnotique, entre des rythmiques parfois surprenantes proposées par le Naïma Quartet et des envolées musicales mélodieuses plus connues offerts par le Lady Quartet. Chacune des deux formations a été brillante, généreuse dans des grooves d’enfer comme dans les morceaux plus intimistes, bref ce fut un concert réussi de bout en bout, porté majoritairement par des femmes, où les hommes n’ont absolument pas démérité, qu’ils soient aux instruments, aux lumières ou aux sons… voire même derrière leurs appareils photos !
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