jeudi 9 novembre 2023

RÉPONDRE À L'EXCEPTIONNEL PAR DE L'EXCEPTIONNEL


 Le décor : Conilhac dans l’Aude. Petite commune rurale où la culture est vivante et tenace, une culture qui oscille de la vigne au Jazz, c’est vous dire l’éclectisme. Pour cela il faut en passer par l’associatif et le bénévolat en plus des institutions compétentes bien évidement. Nous pourrions  évoquer :

  • la construction des programmes, 
  • les sollicitations aux institutions justement, 
  • les plans d'actions, 
  • les réunions, mais nous nous éloignerions du coeur du pro… cessus central : les concerts.

Ils avaient oeuvré toute la semaine, durement mais joyeusement, pour apporter les dernières touches à ce festival Jazz attendu par tous les fondus de musique. Une trente-sixième édition  (notez la longévité !) largement arrosée par un Zeus si déchainé qu’il en chahutera violemment la tente d’accueil.


_ « Crois-tu qu’il soit temps de tout remettre en question ? Tout est prêt et sous contrôle et toi et tes équipes tu souffles un vent de folie et de désolation. N’y a t-il pas assez de malheur sur la terre ? Comprends qu’il nous faille nous rassembler dans la fraternité, fêter les arts et la musique pour continuer à avancer, laisse-nous cette fenêtre de bonheur, laisse-nous profiter de ces artistes dont la qualité première est de rassembler et de fabriquer ce lien d’humanité si fragile, si ténu actuellement. Broyer tout cela n’aurait aucun sens… »

Et bien croyez le si vous le voulez, cette supplique - qui n’a pas existé (il eut été possible que le Président du festival l’ait murmurée) calmait ce dieu du ciel : la pluie a cessé et le vent s’est calmé.

Et nous y voilà, au grand soir du 4 novembre 2023. Marie est dans ses petits souliers (petites bottes pardon), les badges pour l’accueil sont distribués, les équipes sont en place, la scène va bientôt prendre sa teinte bleutée, les horaires sont respectés. Il est temps pour les officiels de prendre la parole. Hop !  Sur scène.

René (le président du festival) met l’accent sur les choix de cette saison : « piano voix » et il nous promet de belles surprises avec dès ce soir la voix chaleureuse et le piano d’André MANOUKIAN

L’accueillir sur cette scène, c’est penser à ses origines : l’Arménie,  aux 100 000 arméniens forcés de fuir le Haut-Karabakh et toute leur culture à la suite d’une guerre perdue d’avance. C’est penser à toutes ces populations dans le monde qui subissent les tirs de canons, de fusils, la faim, le froid, la peur. Des guerres de pouvoir insupportables ! Et si la musique ne peut nous les faire oublier, elle a le pouvoir de réunir les jeunes et les moins jeunes, les gens de toutes les couleurs et de toutes les confessions et c’est aussi pour cette raison que le jazz est utile aujourd’hui. Ses origines sont multiples et ce métissage est un bel exemple de ce qu’il est possible de reproduire. Nos Elus sont tous d’accord sur ce point que ce soit Valérie DUMONTET (Conseil Départemental), Gérard BARTHES (Communauté de Communes), Serge BRUNEL (Maire de Conilhac) ou Benjamin ASSIÉ (Conseil Régional), c’est l’accord parfait : composer avec toutes les cultures, c’est s’enrichir, c’est grandir. C’est un message qu’il faut transmettre dès le plus jeune âge, d’où le travail avec les scolaires à poursuivre absolument.

Et  nos occitans ont su approuver !!!

La salle se fait sombre, le plateau se pare de bleu. Pour l’occasion, permettez cet anglicisme : « The Blue Note » entre en scène. J’ai la certitude qu’elle va en voir de toutes les couleurs car celui qui l’accompagne c’est  André MANOUKIAN. 

Simplicité et décontraction, le garçon a chaussé ses baskets blanches bien confortables et il a ce petit sourire charmant qui fait craquer bien des chanteuses. Nous sommes vite séduits.









C’est singulier de penser cela, mais c’est comme un ami de longue date. On le connait au travers de nombreuses émissions, dans des séries où il fait l’acteur, comme animateur également, compositeur bien sûr et excellent pianiste et pourtant ce soir, il va nous surprendre. André ne chante pas (sauf des « lalala »).

Il ne chante pas, il parle. C’est paradoxal, puisqu’il avouera au cours de ce spectacle que la voix est le meilleur instrument de musique. Il assume parfaitement ce rôle de musicien narrateur.

En effet, c’est un conteur impressionnant, touchant et drôle avec ça. J’avais imaginé un exposé sur le jazz un peu didactique et nous sommes passés de la terreur… Non, juste après, bref 1794 : « sortie du tout premier confinement » dira-t-il, donc Robespierre à une macaronade préparée par Anne, du Ragtime au quadrille, de feuilles de vignes farcies à Sheila, de l’Orient à l’Occident, de Nico et ses micros aux musiques tonales et modales, de sa carte bleue à l’Oud, de Beethoven à la gamme « Rast », de sa grand-mère qui traversait à pieds des continents entiers pour se réfugier en France, à Platon, Ulysse et Socrate sans que nous n’y trouvions à redire. 

Était-il vraiment question de Jazz ? Absolument, de quoi vouliez-vous qu’il parle ?

Bien sûr, que je pourrais remettre tout dans l’ordre, mais ce serait trahir son spectacle. Je préfère que ceux qui croiseront son chemin sans jamais avoir eu l’occasion de le rencontrer n’hésitent pas à prendre des billets pour une représentation qui se terminera par des « lalala » fredonnés en coeur.

J’ai oublié de vous dire que cette incroyable épopée vécue à ses côtés est généreusement entrecoupée de notes très orientales est très jazzy et j’avoue avoir été séduite par « Soufi Dance ».  Je ne suis pas la seule. 

Que de rires ont éclaté dans salle, que d’applaudissements ont retenti. Respect Monsieur Manoukian, vous avez fait le job, nous avons oublié les tracas du quotidien et toutes les mauvaises nouvelles et ça nous a rendu BON.

 

Après l’entracte et les dédicaces de l’artiste, il fallait répondre à l’exceptionnel par de l’exceptionnel et vous avez eu tout bon Mesdames et Messieurs les organisateurs du Festival…




On nous annonce les RP3 ou Rémy PANOSSIAN et ses deux copains, Maxime DELPORTE et Frédéric PETITPREZ. Nous sommes comblés.

L’an passé, je me suis laissé surprendre par leur musique. Si je me suis retrouvée en apnée, tant c’était beau, rapide, très très rapide et céleste, j’étais prête cette année pour un nouvel émoi.

Premier constat, la contrebasse a disparu. Maxime l’a troquée contre une guitare. Pour bousculer le quotidien, ils se tiennent un peu là ces trois artistes.

A peine arrivés sur scène, ils s’amusent à taquiner nos techniciens du son. Rémy saisit le micro mais ne sort que des sons en bouillie : « je plaisante Nico ». Ah ! Oui, j’avais oublié de signaler que ce fut la bête noire d’André Manoukian qui les abandonnait d’ailleurs après quelques facéties. 

Nous voilà au parfum, terribles ils sont, terribles il le reste et toujours heureux de jouer ensemble. On ne voit que cela sur scène : des artistes complètement habités par leur art avec des solos déments, des mélodies qui semblent complexes, presque expérimentales et qui finissent atomiques de dextérité. Ils présentent ce soir un album totalement différent du précédent. Leur Pop sauce jazz est joyeux, fluide et composite à la fois, c’est un méli-mélo de folie et c’est bon pour la santé. On se demande ce qu’il y a dans la tête de Rémy lorsqu’il compose.

La preuve avec « Full Bouddha » : d’après-vous étions-nous dans une espèce de sérénité tranquille ? Pas du tout, c’est un chahut musical fougueux et « grave bon ».

Waouh ! Les solos sont incroyables. Les morceaux s’enchaînent et les blagues aussi. Ce batteur est fou, ce pianiste est fou et le guitariste est dans une tonalité similaire. Un trio incroyable, des petits génies qui s’imposent sur toutes les scènes. Ici, le public plébiscite, mais ont-ils encore le temps de proposer un morceau ? Bien sûr, ils iront à la cave à Jazz, mais avant, ici sur cette scène, nous en redemandons et René d’opiner. C’est un OUI. Faites nous vibrer, on adore, ce n’est que de l’émotion et c’était bien trop court à notre gout.


Belle entrée en matière, il n’y a rien à dire. On attend avec impatience la belle voix de la semaine prochaine et le piano !



Jamais sérieux, Rémy ?

Maxime Delporte

Frédéric PetitPrez



On avait le "Fou chantant" et voici "les troubadours de l'extrême"


Crédit photos : Jacques, comme il se doit

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