vendredi 13 octobre 2017

PILE ET FACE C’EST MADAGASCAR

La voilà la belle occasion de saisir mon clavier pour pianoter et vous annoncer une expo photos sur Madagascar - Espace GIBERT de Lézignan Corbières - dont l'auteur n'est autre que Jacques.
Sont présentés soixante clichés, pris en 2015, à l'occasion  d'un de nos séjours là-bas. Nous sommes quelques uns à bien connaître ces terres rouges de latérite, la faune et la flore somptueuses, diverses et surprenantes, les marchés colorés et qui sentent si bon le curry et la vanille… 
C'est une île paradisiaque pour de nombreux touristes, caressée par l’Océan Indien et ses eaux chaudes, couleur émeraude. La population dont l’hospitalité est unanimement reconnue confère à MADAGASCAR cette aura chaleureuse, avenante, pétillante qui  rassure tout un chacun. Et le soleil, si généreux plus de la moitié de l’année, ajoute encore un attrait supplémentaire.
Jacques et moi y sommes allés à plusieurs reprises, sans penser dans les débuts que cette pépite avait aussi un revers bien moins glorieux.
c'est pourquoi une trentaine des photographies exposées  sont  là pour bousculer un peu cette représentation idyllique de l'île. 
C’est une partie de ce côté « Pile » - sombre - que vous découvrirez ici, pour témoigner de cette extrême pauvreté, de cette grande misère sur laquelle s’est installée presque naturellement et au mépris de certains, une économie reposant sur les déchets des plus nantis. 

Dans la grande ville d’Antananarivo, quand on parle de décharge et du secteur de la récupération des déchets, le nom d’Andralanitra vient tout de suite à l’esprit. Jacques y avait rencontré le Père Pedro à l'occasion d'un convoi humanitaire. Son engagement l’avait bouleversé et si parfois son travail est controversé, il n’en demeure pas moins qu’il y a là une action en faveur des plus démunis qu’il faut souligner.
Mais il existe une autre zone, où de nombreuses familles marginalisées vivent de la récupération des déchets recyclables, c’est la décharge d’Andramiarana, cachée derrière les alignements des grands hôtels et des villas résidentielles d’Ambohibao, encerclée entre les rizières inondables de la grande plaine de Betsimitatatra et la rivière Ikopa.
La décharge d’Andramiarana se situe à environ 8 km au nord-ouest d'Antananarivo. Il s'agit d'une décharge industrielle qui existe depuis 2005. Elle abrite plus d’une centaine de familles, soit environ 1 500 personnes.
La construction de cette décharge a fait suite à la fermeture de celle qui était située à côté de la carrière d'Ambohidratrimo.





La population basée là, est très jeune : 56% ont moins de 15 ans. On y croise des bambins de quelques années, des bébés avec leur mère dans le chaos des déchets et les odeurs insoutenables. On est ici en présence d’une misère infantile et juvénile indéniable… moins de 20 ans pour plus de 60% de cette population.
Quel avenir pour eux ?


L’hygiène et la propreté sont quasiment impossibles dans le «village» qui s’est installé aux abords de la décharge. Pour l’essentiel, il se compose de maisons  « sachets », d’abris de fortune et de maisons en briques… mais pas d’eau potable, pas de lavoir, pas de véritables latrines, une nappe phréatique contaminée par les métaux lourds de la décharge toute proche. Trainent ici quelques chiens qui assurent une sécurité toute relative mais constituent aussi un grand danger pour les plus fragiles.
les plus forts réduisent en petits éclats ces pierres pour les vendre...







Pourtant toute une économie s’est organisée autour de la décharge d’Andramiarana avec souvent ces deux occupations : la collecte et le tri des déchets.
Les camions bennes déversent là, un pêle-mêle :

  • De déchets textiles des zones franches d’Antananarivo,
  • De produits alimentaires et des bouteilles plastiques,
  • D’épluchures de fruits et de légumes des conserveries environnantes,
  • De boîtes et de fûts vides d'industries chimiques,
  • De bouteilles cassées de brasseries ;
  • De tuyaux en PVC,  de fer d'industries ou de métal de toute sorte, que sais-je encore !
Il en faut de la force pour affronter l’odeur pestilentielle du lieu. Les relents vous prennent à la gorge dès l’entrée de la décharge. Ils soulèvent votre cœur et vos tripes. Oui, il en faut de la force et de l’expérience pour affronter quotidiennement et plusieurs fois par jour le ramassage et le tri.
Les enfants, Les femmes et leur bébé, des hommes aussi attendent chaque passage de camion avec impatience : c’est de la revente des déchets que dépend leur survie :
Le fer est acheté par des artisans (aluminium ou cuivre), les débris de conserverie  engraisseront les porcs ou les canards, les plastiques mélangés à du sable donneront des tuiles ou des pavés, même les anciennes strates d’ordures, triées, décomposées sont tamisées et vendues et deviendront du terreau….  Rien ne se perd.
On imagine assez l’enjeu qu’il peut y avoir, notamment pour les garçons : Il leur faudra courir le plus vite possible afin de grimper en premier sur les camions et récupérer ainsi les métaux les plus chers.

Pourtant, sur la décharge d’Andramiarana,  nulle bagarre !
C’est souvent nus pieds ou en bottes, un chapeau vissé sur la tête et mains nues que les plus rapides jetteront à terre les sacs de déchets ou débris, tandis que les plus jeunes, moins rapides, plus fragiles mais déjà conscients de leur responsabilités, récupéreront et partageront pour ne prendre que ce qui leur semble être leur droit.
C’est là tout l’univers des habitants de la misère, les habitants de la décharge d’Andramiarana.
























Savez-vous que la première violence qu’ils subissent est l’ignorance. Sur la décharge d’Andramiarana,  ces gens, ces familles, ces enfants n’ont aucune formation scolaire… ils sont dès lors victimes d’abus et ils n’osent pas affronter ceux qui sont éduqués. Comment le ferait-il sans savoir lire, ni compter.
Ça et là, il existe bien des initiatives pour leur apporter de l’aide, l’instruction nécessaire, la compassion. Chacun fait de son mieux à son niveau.

Mais à l’heure où l’on parle développement durable et protection de l’environnement, ne devrait on pas prendre en compte ces "récupérateurs de l’extrême" en grande considération, puisqu’ils sont d’une utilité environnementale indéniable au détriment de leur santé et d’un présent et d'un avenir bien plus heureux.

Second article consacré à l'avers de notre pièce malgache, son côté face à paraître dans quelques jours


 

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