Artistique et solidaire: LES ESSENTIELS

Loin de moi l’idée de vous imposer une quelconque trousse à outils, une série de conseils ou de recettes, je laisse volontiers cela à la presse spécialisée ou qualifiée de « féminine ».

Mais à feuilleter attentivement sur écran numérique les clichés du Vietnam, mes yeux se sont arrêtés sur un objet prenant parfois des allures baroques tant il est sollicité à la campagne comme à la ville.

J’ai tout de suite eu de la sympathie pour ces photos et j’espère que l’approche - disons - systémique que je vous en propose vous conviendra et suscitera votre curiosité.
Car oui, l’objet de mon ravissement existe aussi en Europe et… au delà (expression bien connue de nos petits depuis la sortie des films d’animation « Toy Stories »).

S’il prend chez nous des allures de loisirs populaires, il peut pour certains être un outil de travail redoutable voire de performances insensées et vertigineuses… Souvent on y transpire, on y souffre le martyr et parfois même on y brule bras et cuisses ! Normal, il impose aux plus mordus d'entre nous un déguisement adapté et souvent coloré qui laisse apparaître une partie des muscles sollicités.

Je vous donne une dernière indication : lorsqu’il s’agit de loisirs, l’objet doit être beau, rutilant même. S’il s’agit de travail, il doit être surtout léger, rapide et beau et pour notre dernier cas, il peut atteindre des sommes folles, performance oblige.

Vous avez trouvé !

Alors venez avec moi, je vous emmène maintenant au RAYON CYCLES DU VIETNAM, car ici le vélo, s’il a encore une place prépondérante, reste bien éloigné de nos standards occidentaux.

La différence principale se voit à l’œil nu, car d’esthétisme, il n’est guère question : L’engin reste sommaire car il se veut avant tout pratique, de couleur plutôt terne, avec deux roues c’est un minimum, un pédalier, un cadre, un guidon droit ou en U, une selle et fort souvent une béquille. Voilà pour son ergonomie, un vélo qui convient aux filles comme aux garçons, sans plus de fioriture.

Une fois dit cela, il arrive régulièrement qu’on ne discerne aucun de ces éléments tant la machine est « habitée ». Insolite, n'est ce pas ?

Car c’est là tout le charme de son utilisation à mes yeux. Non contents de faire de l’exercice physique, certains de nos amis vietnamiens nous prouvent qu’avec un peu d’imagination et une certaine adresse, il est possible de transporter l’impossible.

Voilà donc comment une simple bicyclette devient source de richesse et de développement.
Le processus est hélas impossible à dupliquer en Europe : la législation y est bien trop stricte. Quel dommage ! L'impact sur la pollution dans nos villes pourrait chuter d'un bon quart. Contentons-nous d'une sophistication de nos bicyclettes poussée à l'extrême et puis arrêter de m’opposer les longues distances à parcourir, les aléas climatiques, les routes pentues, les quantités à transporter, je ne peux qu'adhérer à tous vos arguments, mais où est l'engagement pour la planète ici ?
Croyez-vous que la pluie arrête nos amis au Vietnam, croyez-vous qu'ils ne sortiront pas leur vélo (ou leur moto pour les plus aisés) ?Croyez-vous que les paysans renoncent à la vente de leurs légumes parce que le marché se trouve à des dizaines de kilomètres et qu’il fait gros temps ? Non, les vietnamiens sont des gens besogneux, courageux et honnêtes qui mènent leur vie tambour battant du lever au coucher du soleil. Pas par choix, mais par obligation.

Pour nombre d’entre eux, la recrudescence de touristes ne changera que bien peu de choses à leur vie. Aujourd'hui, c’est tellement banal à leurs yeux de nous voir déambuler dans les villes, dans les ports, dans les campagnes, réclamant ici et là la possibilité de prendre une photo, tentant de négocier au plus bas quelques babioles pour souvenir.

Mais combien sommes-nous à nous arrêter pour échanger, pour tenter de comprendre cette vie « simple et ordinaire », leur vie ? S’ils sont de plus en plus nombreux à refuser le click de nos boitiers – et comme je les comprends - jamais ils ne vous refuseront un sourire, un geste amical quand le contact se fait sincère. Il sera sans lendemain bien sûr, mais il y a eu durant ce court moment d’échange du respect mutuel, des regards loyaux, une bienveillance évidente.

N’était-ce pas une approche systémique du vélo qui était proposée en préambule ? Absolument ! Nous sommes là dans l’approche plus globale…

On comprend les difficultés à vivre dans les campagnes, l’air y est certes plus respirable, mais le travail dans les rizières y est pénible et parfois aléatoire. Le niveau de vie ne permet donc pas les dépenses saugrenues. A tout choisir, un bon vélo est bien plus fiable qu’une moto… Jambes et mollets ne trahissent jamais surtout lorsqu’ils sont parfaitement entrainés.

Le vélo comme outil essentiel dans la vie du paysan mais également dans les métiers du tourisme aux abords et au centre des grandes villes et de certaines petites bourgades bien ciblées. A bien y réfléchir, c’est fort bien pensé de leur part. Ah ! ces touristes toujours en quête de folklore et d'émotions... Les voilà grimpant hardiment sur cette bicyclette qui prend - pour l'occasion - des allures de grosses poussettes à trois roues.

Vous aimez les sensations fortes ? Alors attention à vos yeux et à votre palpitant, ça va secouer. Assis devant dans le « cosy », vous faites face à la situation et voyez venir à vous la multitude de fourmis vrombissantes d'en face, toutes plus impatientes les unes que les autres à vous damer le passage... Vont-elles vous engloutir ?Non bien sûr mais il faut savoir qu'au Vietnam, la circulation tient du miracle ! Chacun DOIT passer et le ballet qui se joue devant vos yeux relève de la performance chorégraphique. Il est souvent sans heurt, sans cri, sans injure, mais d’une telle complexité qu’il en est à chaque fois unique, inexplicable et toujours inexpliqué... Car ça passe !

Oui, au Vietnam, c’est le deux roues (motorisé) qui règne en maître absolu, dans une sorte de fantaisie maîtrisée. Vous êtes à la fois dans l'indiscipline la plus totale et à la fois dans le très respectueux… Etrange paradoxe qu'il serait bon de méditer.

C'est pourquoi mon vélo peut se frayer un passage avec une certaine grâce et beaucoup de simplicité dans ces nombreux écheveaux décomplexés !

Dans quelques années hélas et au vu de la démographie galopante dans des villes comme Hanoï, Hué, Ho Chi Minh, il y a fort à parier qu'il disparaitra totalement. La jeunesse plébiscite très largement les motos et les scooters. Mais pour le moment, voyez comme il peut encore nous surprendre dans les marchés ou au détour d’une rue.

Et comme, il reste bien présent dans les campagnes, sa proximité rassure un peu les curieux que nous sommes, peu habitués à de telles démonstrations de "force", de bruit et de pollution dans un contexte environnemental déjà bien chargé.

N’est ce pas qu’il ne vous laisse par indifférent mon vélo, perdu dans une rizière, mais prêt au départ, droit sur sa béquille ?

Assurément c’est un essentiel. Voyez d’ailleurs comme elles sont fières de le chevaucher ces femmes, un chapeau conique sur la tête… Fière aussi cette marchande de fleurs, toute auréolée de senteurs et comme il est improbable ce chargement qui arrivera à n’en pas douter à sa destination.

Il y a chez les cuisiniers des plats « signature », chez certaines personnes des expressions « signature »… Que serait le Vietnam sans ses chapeaux tressés, ses « phô » délicieux, le riz et les baguettes, ses positions accroupies, ses lanternes multicolores, ses pagodes innombrables, ses motos par milliers et ses VELOS… Sans doute un pays moins souriant. Ah oui ! Le sourire, un essentiel aussi. C’est la raison pour laquelle on se sent en sécurité là-bas[1] .

J’avais promis de ne pas le faire mais voici mon conseil à l’aube des beaux jours :

Vous souhaitez retrouver la ligne, alors allez au Vietnam. Entre le vélo, la multitude de légumes et de fruits et les innombrables marches qui vous attendent si vous faites le choix de visiter des pagodes, vous n’aurez pas à vous priver de tous ces mets qui vous régalent et vous font envie… et puis, zut, allez découvrir le Vietnam si le cœur vous en dit, tout simplement.