samedi 27 février 2021

L'EMPREINTE


Vous percevez le léger sourire derrière ces premiers mots ? C’est le plaisir de renouer un peu avec le blog. 
Et vous vous questionnez déjà sur le titre. De quoi va t-on parler ? Tout est fermé, la culture est au bord de la rupture, les restaurateurs sont en pleurs et pour se protéger, il faut avancer masqué ! Pas optimistes nous, ce serait mal nous connaître ! Et d’ailleurs si nous en revenions à notre empreinte, vous savez celle des gens et des choses qu’on dit vertueux. Vous allez voir qu’il y a de quoi être philosophe.

Si nous sommes si heureux de vous retrouver, c'est pour vous accompagner dans un lieu que nous pensons unique en France et au-delà...

Nous vous emmenons à FERRALS LES CORBIERES, pas à des kilomètres, c’est juste là - en France occitane - à portée de voiture électrique… ou pas !

Rendez-vous à l'ancienne cave coopérative du village. Ici plus de vin, plus de raisin et pourtant on y pressent une intense activité, il y a de la vie ici. Tiens, tiens, bien étrange cet homme assis sur une grosse bombe de peinture là, juste au dessus de la porte d’entrée, et cette planche de surf un plus loin ou encore cette baleine énorme graffée elle aussi en altitude sur le fronton d’un autre bâtiment. Elle a cet air désolé et désolant des animaux en péril. Ça vous interpelle ? 

Allons nous parler Art ou écologie, les deux mon capitaine

La voix féminine qui nous accueille est prometteuse derrière le masque obligatoire. Cintrée dans sa jolie veste chaude, la jeune femme nous offre son coude en guise de bonjour. Bonjour pour bonjour, nos coudes se rejoignent, tandis qu’elle nous confirme le libre accès aux différents édifices. 

Le pouvoir créatif de cet artiste est illimité. Et lorsque l’on sait que SPIKTRI ne construit ses oeuvres qu’à partir de matériau récupéré et ceci depuis toujours - Il a commencé à 16 ans et n’avait pas le sou… ceci explique un peu cela, en tout cas pour ses débuts - on a une vision bien nette de la fougue et de la passion qu’il déploie pour réinvestir ce lieu de 14 000 m2, chargé d’histoire.

La cave coopérative allait être détruite… Inconcevable pour cet artiste originaire de Nimes, qui milite corps et âme pour la protection de la planète, la sauvegarde du patrimoine et la transmission. Il se lance et acquiert le lieu pour y développer un projet, son projet sur - je lâche les grands mots - le développement durable, l’économie circulaire. Ce sera avant tout un lieu de partage où les artistes pourront s’exprimer sur « l’agonie  de la planète ». 

Qu’on ne s’étonne pas si parfois les oeuvres sont morbides, il y a danger à ne pas alerter. Ces personnages ont parfois la bouche tordue des rictus de dégout, les caniveaux regorgent de corps désarticulés, les têtes de mort souvent monumentales dévorent les murs, les taureaux fulminent. Mais, non d’un chien, c’est sa façon à lui d’hurler au danger, à l’agression !

Bizarrement, en prenant possession des scènes qui se jouent ici, nous pensons à Bordalo II. Pourtant si le concept du recyclage est bien présent, l’approche diverge en ceci : SPIKTRI est un tantinet mono maniaque. Cela semble assumé puisque récurrent dans ses oeuvres… des clefs, du bois flotté, des serrures, un piano, des capsules de bouteilles, des cannettes, des pots de peinture, des fils électriques, des tuyaux… bref, un seul matériau pour une seule oeuvre. 



























La période « noire » passée, les couleurs foisonnent, ça flashe ; il est clair que la répulsion, la tristesse, la colère, les affres sont endiguées. L’espoir s’immisce, l’artiste se pose - là - dans ce salon revisité où nous l’avons rencontré, l’oeil flamboyant, le skateboard au pied, sur un fond de musique de Pink Floyd. La maturité ne semble pas étrangère à l’affaire. 


Salon de réception

Le tutoiement lui vient très spontanément. Il peut ! Il saisit le quotidien en toute confiance et raconte ses débuts - pas simples. Son seul atout, sa pugnacité. Les maux de l’humanité, les excès, la société de consommation, les guerres, etc. l’ont torturé à devenir calvaire. Ça, nous l’avions compris lors de notre parcours, en son tout début. 

Son « Street Art », c’est sa psychanalyse. Psychanalyse réussie puisque tout s’éclaire au fur et à mesure que nous traversons les bâtiments. Il parle d’amour, de respect, de compréhension, de partage et la notoriété est venue petit à petit. Un réseau s’est installé,  et ses oeuvres rencontrent aujourd’hui une certaine émulation.

Indicible joie, lorsqu’il évoque son lieu d’exposition qui restera ouvert aux artistes qui partagent ses convictions. Car, oui SPIKTRI cultive le paradoxe : offrir au Street Art un musée, en tout cas quelque chose qui lui ressemble. En tout état de cause, ce lieu unique tant pour son objet, son dimensionnement que sa situation géographique va susciter de la curiosité à n’en pas douter et pourquoi pas des vocations et, on l’espère, de très nombreuses envies de visite. 

Non content de cette première singularité, le street artiste enfonce donc le clou en proposant une vision de sa planète qui oscille entre gigantisme et écologie alors que beaucoup prône le minimalisme pour atténuer notre empreinte carbone . 

Il fallait oser ! 




On quitte la cave coopérative sur  les 7 - Non excusez moi, les 8 - pêchés capitaux. Car SPIKTRI y ajoute la consommation. Ce sont des oeuvres monumentales dans une scénographie adaptée : des silos gigantesques. Le trône qui s’offre à nous au bout de ce chemin initiatique libère une jolie note d’optimiste : toutes les couleurs de l’arc en ciel sont ici réunies. 




 
C’est volontairement que je ne vous ai pas tout dit, reste la surprise de la découverte. Vous remarquerez que le photographe, clairement, s’est régalé. Il exhibe ici ses photos sans condition aucune, sauf à susciter votre curiosité pour cet univers lié à un imaginaire débridé mais vertueux. Vite, qu’on nous ouvre les portes de ces espaces qu’ils soient atypiques ou plus consensuels. Ils sont là nos repères dans ces lieux de culture qui nous manquent cruellement.


Sachez encore que des graffeurs collaborent au projet et participent activement à l’originalité de l’espace d’exposition. Citons AZBA (en résidence), 2FLUI, NHOBI et HOROR (qui réalisaient la Baleine stupéfiante de vérité) mais aussi NOVA, ARES, AERO613, BENUR, SIFU,JOVER et SULLI.

Merci à nos hôtes de nous avoir accordés un peu de leur temps pour cette époustouflante découverte. Ne sous-estimons pas la technicité, l’organisation, le pragmatisme de la petite équipe qui soutient le projet : le challenge qui s’annonce est colossal, à la mesure du lieu. 

Quant on sait que la prodigieuse créativité de l’artiste peut se heurter aux limites du corps et de l’esprit, c’est d’autant plus courageux.

Mais oublions un instant nos esprits tellement rationnels, car l’empreinte qui nous est restée de cette visite, c’est sans conteste beaucoup de sérénité.





César du meilleur peintre...



























À la manière d'un tableau surréaliste














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