mardi 16 novembre 2021

LE SOUFFLE DES DIEUX

De gauche à droite : Philippe Leogé, Jacques Adamo, Denis Leogé et Jordi Leogé


Rencontre avec le jazz samedi soir pour écouter la musique de deux très grands artistes : Chet Baker et Michel Legrand.

Oui, deux américains[1] et deux hommages à … Conilhac dans le cadre du festival Jazz qui reprend enfin toute sa place durant ce mois de novembre 2021 avec une affiche d’une qualité exceptionnelle !

Deux hommages certes, mais bien loin du protocole. La soirée réserve de très bonnes surprises. Nos artistes, audois pour certains, sauront relever le défi naturellement avec talent, amour et humour,  audace et légèreté et une certaine liberté...


Et si vous en doutiez, jugez plutôt : Comme l’a si bien dit le pianiste du Quintet Michel Legrand Hervé SELLIN - oui le Lion a tiré sa révérence.

Mais sa formation créée en 85 est là, fidèle et respectueuse et c’est avec l’accord de Mâcha Meril, qu’elle présente une partie de son œuvre. 

Avec parfois des petites digressions, c’est vrai ! Des arrangements qui n’ôtent rien à la qualité de sa musique, des arrangements d’ailleurs parfois suggérés au Maître mais qu’il refusait par un « oui… mais non ». Car il avait du caractère le Grand Michel. Sans doute est ce pour cela que Denis LELOUP (trombone), leader de la formation, paraît presque intimidé lorsqu’il évoque ces petits pas de côté. Imaginez, qu’en penserait Michel ? 

Moi même, je m’égare car avant cet hommage à ce très grand artiste, il y avait une première partie. Et Claude EGEA (trompette de ce beau quintet) témoignera du grand respect qu’il a pour Jacques ADAMO, son professeur lorsqu’il était minot et qui va ouvrir ce second rendez vous du Festival Jazz de Conilhac avec le LÉO & Co.

En plus du souffle des dieux, nous avions comme un fil d’Ariane. Et avec un essaimage aussi réussi, il a de quoi être fier Jacques Adamo. 

Il faut avouer qu’il sait s’entourer, puisque le trio qui l’accompagne aujourd’hui est atypique, ce n’est autre qu’un père et ses deux fils. 

On connaissait les sœurs Labeque (piano) ou plus récemment les sœurs Berthollet (violoncelle et violon). Mais là, nous sommes sur un level supérieur, un trio familial au masculin et des instruments différents !

  • Le papa c’est Philippe LÉOGÉ, au Piano. Quant aux fils ce sont…
  •  Denis LÉOGÉ, à la Contrebasse et 
  •  Jordi LÉOGÉ à la Batterie. 

Merveilleuse idée de rassembler sur scène ces 3 virtuoses, pour un accord parfait… 

 « J’dis ça, j’dis rien, mais pour les répét’, ce doit être bien confortable ». 😉

Bien, un peu de sérieux ! Mais elle est jolie l'histoire de cette soirée, elle repose sur la transmission.

Nos « 4 fantastiques[2] » ont choisi de nous offrir quelques bons morceaux du répertoire de Chet Baker, un artiste fragile, rebelle et iconique, qui meurt à 58 ans d’overdose laissant des œuvres incroyables. Un début de soirée tout en tendresse et respect où les musiciens vont nous distiller – sous couvert de « Born to be blue » les notes étincelantes d’un artiste à fleur de peau avec maestria. Les solos sont à couper le souffle et lorsque la voix de Jacques swingue sur des mélodies tendres comme « I fall in love too easily », par exemple, le quartet sait proposer des harmonies qui n’appartiennent à aucune génération et qui enthousiasment le public… et le photographe aussi. 


Solo de Denis LEOGÉ

Jacques ADAMO

Philippe LEOGÉ

Solo de Jordi LEOGÉ


Regardez, il a inventorié les moindres détails de la scène musicale qui se déroule sous nos yeux et nos oreilles grands ouverts.

On aimerait que ça dure, mais « voilà c’est fini »… Le public les ovationnera de longues minutes et avec l’élégance de tous les artistes, Jacques ADAMO, nous présentera la seconde partie du programme avec ce commentaire « vous allez vous régaler avec le Quintet Michel LEGRAND ! » On peut facilement imaginer que cet homme là suit ses élèves bien davantage que du coin de l’œil.







Père et fils sont charismatiques

Le passage de diapason d’une formation à l’autre - durant lequel, les musiciens échangent, rangent ou installent avec précaution leurs instruments - donne aux spectateurs l’occasion de se saluer et de commenter cette première partie. Je n’en ai entendu que du bien, voire du très bien. C’est beau l’amitié, la confiance, la légèreté sur cette scène qui semble avoir beaucoup manqué l’an passé, surtout si l’on envisage la somme de travail et de rigueur que cela nécessite.  

Que dire du Quintet Michel Legrand ? Ils ont de l’humour à n’en pas douter et surtout énormément de talent. Mais ça c’est une lapalissade puisque l’on sait d’une source proche de l’artiste que Michel était sans concession. 



Qui a vendu la mèche ? C’est son contrebassiste, Pierre BOUSSAGUET. Ce qui ne remet pas en cause la profonde amitié qu’il lui portait.

Ah oui, ils en ont du respect et de l’amour à revendre pour ce grand artiste qui a rythmé leur vie pendant plus de 30 années. François LAIZEAU, le batteur dira avec une explosive sincérité que ce « touche à tout » avait su créer la plus belle mélodie qu’un cerveau humain pouvait composer.

C’est donc avec cette élégante douceur qu’ils nous emporteront jusqu’aux Lilas de mai en passant par les moulins de leur cœur. Bien sûr qu’ils y ont parfois ajouté une touche personnelle, mais elle est si attentionnée qu’elle paraît presque insoupçonnable afin de ne pas irriter le compositeur qui les côtoie sans doute encore tous les jours. 

Oui, j’en mettrais ma main au feu : vivre autant d’années près d’un compositeur génial, ça laisse des traces. Et puis, je ne crains pas la brulure, il y le souffle des dieux.



Pierre Boussaguet nous révèlera peut être un jour le pourquoi de la présence de ces peluches...





Merci à tous ces artistes, aux bénévoles, aux artisans de la scène, au spectacle vivant, au festival de Conilhac pour cette belle soirée, cet ébahissement perpétuel. Le public ne s’y est pas trompé, les salves d’applaudissements ont perduré encore et encore. 

Permettez-moi de paraphraser Colette Renard : Ça c’est d’la musique, de la vraie musique !


De gauche à droite : Hervé Sellin, Pierre Boussaguet, Claude Egea, François Laizeau et Denis Leloup









[1]Michel Legrand avait demandé et obtenu la nationalité américaine en 2011

[2]Autrement dit Jacques ADAMO et le Trio LÉO 

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