samedi 3 décembre 2022

QUAND LE JAZZ REMET TOUT À ZÉRO

Harold LOPEZ NUSSA


C’est presque inexplicable, mais bien réel, le JAZZ en cette dernière soirée du Festival va rebattre toutes les cartes d’un parcours musical que nous pensions pourtant bien sécurisé. 

Ainsi, nous passerons d’une sobriété, d’une efficacité toute étincelante (oui, oui, il y avaient des cuivres) avec la présence chaleureuse et fort réconfortante du SWING BONES & NICOLAS GARDEL à la déflagration (musicale, je précise) proposée par le HAROLD LOPEZ Trio, sorte d’OVNI magnétique et ébouriffant qui remettra à zéro toutes nos petites connaissances[1]jazzistiques… 

Pour une dernière, il fallait un bouquet final et quoi de mieux qu’un Président qui monte sur scène ! Les traits tirés mais radieux, micro en main, il salue et remercie son équipe et invite le public à ovationner les bénévoles dont l’expertise consolide d’année en année les contours de l’événement tant sur l’ambiance - quasi familiale et donc rassurante – que sur la solidarité et l’entraide. Si le Festival s’achève ce soir, tout n’est pas perdu… puisque la cave à jazz nous accueillera dès le mois de mars pour des rendez vous que j’imagine déjà explosifs et surprenants, tels ceux que nous content parfois certains aficionados du jazz conilhacais.


Nicolas GARDEL

S’agissant du réconfort, il est immédiat puisque Nicolas GARDEL (trompette), sa belle équipe de trombones (Mickaël BALLUE, Jérôme CAPDEPONT, Jérôme LABORDE et Olivier LACHURIE) Thierry GONZALEZ au piano, Guillaume NOUAUX à la batterie et Julien DUTHU à la contrebasse nous entrainent la note légère sur une « route des vins » quelque peu fantasque, baptisée «La part des Anges ». Après tout, pourquoi pas ?

Dans un premier temps, direction Limoux avec un titre… À bulles, bien évidemment. Et  si le morceau s’intitule  « 1531 », c’est pour mieux vous apprendre que la blanquette est le plus vieux brut du monde. 

Remercions Nicolas qui n’hésite pas, à l’occasion de l’écriture et de la présentation d’un nouvel album à ajouter sa petite French Touch éducative.

Musicalement formateur et jouissif et ponctuellement instructif, c’est aussi cela JAZZ /CONILHAC.

Et le musicien n’est pas à un grand écart prêt. Après cette tonalité rythmée, presque chantante avec les moines à Limoux, il nous propose un Cid y Brahim... Les cuivres s’en donnent à cœur joie sur des notes « arabisantes». L’alchimie opère. Nous voilà dans les montagnes de l’Atlas à boire un thé à la menthe bien doux bien chaud ou, pour ceux qui le souhaitent, ce verre de vin proposé…

De l’humour, le groupe n’en manque pas : Nous voilà plongés dans le parcours chaotique de celui qui a trop bu. C’est surnaturel tant ce morceau colle au titre Wine Pocket. Les notes graves et trainantes soulignent avec humour et affliction cet état d’ébriété avancée. C’est à la fois drôle et pathétique, mais bien vu.

Les morceaux se succèdent et comme toujours les compositions donnent à chacun le moyen de s’exprimer. Respect Monsieur GARDEL, mais pourquoi donc avoir choisi la thématique de l’alcool pour cet album, dont le titre ne fait pas semblant : La part des Anges.  

Parce que vous êtes un « joueur » ! À bien étudier les titres, le message se résume à ceci : tout est question de mesures.







Les vôtres nous ont enchantées, d’autant qu’au travers des arrangements dédiés à vos amis, c’est toute votre complicité et toute votre bienveillance qui se révèlent.

Après cette première partie … capiteuse à souhait, il était évident de plébisciter Limoux et sa blanquette. Et pendant cette effervescence toute rafraichissante et tranquille de l’entracte, sur la scène nos techniciens du son s’activent, des micros disparaissent, la scène s’éclaircit pour une seconde partie dont on parlera encore dans… 35 ans.

 

Ruy LOPEZ NUSSA

Harold LOPEZ NUSSA

Thibault SOULAS


Vous connaissez CUBA ? Que la réponse soit positive ou négative, je vous invite à prendre l’ensemble de l’ile (Ses habitants et leurs sourires, le métissage,  les Mogotes, le soleil et ses couchers… et aussi ses levers, les champs de tabac, la puissance du Che à Santa Clara, tous les « Cubalibrés », la faune et la flore, le Floridita et ses « Pinãcoladas », les « Mojitos », Ernest Hemingway, le Malecón, l’éclectisme de l’architecture avec ses beaux immeubles art déco, la Calle Obispo à la Havane, Trinidad, les CUC, les belles « bagnoles » américaines, les couleurs vives, le rhum – médicinal – et la musique partout et toujours et tout le reste) agitez bien fort et vous aurez à peine restitué la musicalité du trio qui s’installe. 

Comment évoquez ces trois jeunes gens, époustouflants de virtuosité, qui ajoutent leur technique à tout ce qu’on peut imaginer de rythme et de puissance en lien avec la musique latino et afro-cubaine.

Comment font-ils pour être toujours aussi souriants, même au plus fort de leur performance. A croire qu’ils sont entrainés à la manière des athlètes de triathlon ou des super-héros.

Harold LOPEZ NUSSA (le pianiste), qui parle parfaitement le français, est arrivé en France avec toute sa famille, voilà un an et depuis il enchaine les tournées avec son groupe constitué de son jeune – mais non moins talentueux - frère à la batterie (Ruy LOPEZ NUSSA) et de son frère… d’adoption – dira-t-il – l’excellent contrebassiste Thibault SOULAS. Et croyez moi, on ne peut qu’aimer ce qu’on entend. C’est lumineux, fascinant, habité, envoutant, d’une densité jamais atteinte jusque là me semble t-il !

Peut être parce samba, rumba, tchatcha m’évoquent Cuba et les déhanchés des pistes de danse. Là-bas la musique est partout et la danse l’accompagne, dedans dehors, dans les cafés, dans les familles et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. C’est un art de vivre. Les cubains sont ainsi. Travailleurs assidus et sérieux, ils n’en demeurent pas moins souriants, avenants, joyeux et prompts à faire la fête, ceci envers et contre tout et toujours. On en comprend les raisons…




Cette promptitude, ce lâcher prise, cette apparente décontraction, ce flegme transparaissent dans ces va-et-vient perpétuels entre musiciens. Une allégresse communicative, une spontanéité à fleur de peau mais surtout une présence dans la virtuosité, une vélocité dans l’interprétation, le toucher des touches, des cordes, des baguettes qu’on à peine à suivre. Les notes de chaque instrument se carambolent avec générosité et atteignent des culminances libératrices et joyeuses : Hallucinant, monumental, unique. En voilà trois qui cochent toutes les cases de l’excellence. Si Harold aime la France, il avoue être nostalgique de son pays. C’est ainsi qu’il nous offre une composition à la couleur de son Ile.

Le temps passe tellement vite, un dernier tchatcha par ces fous de musique qui nous rendra fou de bonheur. Des enfants qui esquissent quelques pas de danse sur la scène et le public est debout, il applaudit, il siffle, il rappelle. On les sait épuisés après cette performance mais ils reprennent place pour ce que je croyais un dernier morceau chatoyant. Mon petit doigt m’a dit fort justement, en effet, qu’ils avaient rejoint la scène de la cave à Jazz. Des OVNIS quoi… J’avais prévenu !



Encore merci à ce Festival, simplement parce qu’il n’y a rien de meilleur que d’écouter de la musique avec des musiciens qui sont physiquement là. Et si ce soir le Jazz remet tout à zéro, c’est pour mieux attendre les programmes de l’an prochain, n’est ce pas Président.











[1]Je parle pour moi car j’imagine assez que les connaisseurs ont parfois rencontré de tels « agitateurs » à la flamboyance et à l’harmonie aussi inspirées 

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